l’importance de la théorie des nombres

L’importance exceptionnelle de l’évolution de la théorie des nombres à la fois pour la philosophie ET la religion vraie saute aux yeux si l’on admet les admirables développements de Brunschvicg au début du « Progrès de la conscience » :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/progres_conscience_t1/progres_conscience_t1.html

(page 13)

«Ces observations contiennent le secret de l’histoire du pythagorisme. L’homo sapiens, vainqueur de l’homo faber, y est vaincu par l’homo credulus. Grâce aux démonstrations irréprochables de l’arithmétique pythagoricienne, l’humanité a compris qu’elle possédait la capacité de se certifier à elle-même, non pas des vérités qui seraient relatives au caractère de la race ou du climat, subordonnées au crédit des magiciens ou des prêtres, à l’autorité des chefs politiques ou des pédagogues, mais la vérité, nécessairement et universellement vraie. Elle s’est donnée alors à elle-même la promesse d’une rénovation totale dans l’ordre des valeurs morales et religieuses. Or, soit que l’homo sapiens du pythagorisme ait trop présumé de sa force naissante, dans la lutte contre le respect superstitieux du passé, soit qu’il n’ait même pas réussi à engager le combat, on ne saurait douter que le succès de l’arithmétique positive ait, en fin de compte, servi d’argument pour consolider, pour revivifier, à l’aide d’analogies mystérieuses et fantaisistes, les propriétés surnaturelles que l’imagination primitive associe aux combinaisons numériques. La raison, impatiente de déployer en pleine lumière sa vertu intrinsèque et son efficacité, s’est heurtée à ce qui apparaît du dehors comme la révélation d’une Parole Sacrée, témoin « le fameux serment des Pythagoriciens : « Non, je le jure par Celui qui a révélé à notre âme la tétractys (c’est-à-dire le schème décadique formé par la série des quatre premiers nombres) qui a en elle la source et la racine de l’éternelle nature… » Le caractère mystique du Pythagorisme (ajoute M. Robin) se révèle encore par d’autres indices : c’est caché par un rideau, que le Maître parle aux novices, et le fameux : Il l’a dit (αὐτὸς ἔφα) ne signifie pas seulement que sa parole doit être aveuglément crue, mais aussi que son nom sacré ne doit pas être profané » .

Il est à remarquer que le conflit des tendances n’est pas resté à l’état latent : il y a eu, sans doute vers la fin du Ve siècle, un schisme dans la Société pythagoricienne, et qui a mis aux prises Mathématiciens et Acousmatiques. Ceux-ci (et les expressions dont se sert M. Robin sont tout à fait significatives), « pour conserver à l’Ordre une vie spirituelle, parallèle à celle de l’Orphisme et capable de la même force d’expansion ou de résistance, s’attachèrent avec une passion aveugle à l’élément sacramentel et mystérieux de la révélation, à des rites et à des formules : les Acousmatiques ont voulu être des croyants et des dévots. Les autres, sans abandonner formellement le credo des premiers, en jugèrent l’horizon trop étroit : ils voulurent être, et eux aussi pour le salut spirituel de leur Ordre, des hommes de science. Mais cela n’était possible qu’à la condition de renoncer à l’obligation du secret mystique et de justifier rationnellement des propositions doctrinales. Aux yeux des dévots, ces savants étaient donc des hérétiques. Mais ce sont eux, hommes de la seconde génération pythagorique, qui ont transformé en une école de philosophie l’association religieuse originaire. C’est pourtant celle-ci, réduite à ses rites et à ses dogmes, qui a survécu jusqu’au réveil néo-pythagoricien. » (Op. cit., p. 67.)

Ainsi, dans l’évolution du pythagorisme se sont succédé ou se sont juxtaposées les formes extrêmes de la sagesse humaine et de la crédulité théosophique, correspondant elles-mêmes aux limites idéales du mouvement que nous nous proposons d’étudier dans le présent ouvrage. Toutefois, étant données l’incertitude et la confusion de notre information historique, pythagorisme et néo-pythagorisme demeurent comme au seuil de la conscience occidentale. Nous ne sommes capables de définir cette conscience qu’avec Socrate, c’est-à-dire avec le portrait qui nous a été laissé de lui par des Socratiques. A partir de ce moment, nous le savons, l’homme se rend compte qu’il a la charge de se constituer lui-même, en faisant fond sur un pouvoir pratique de réflexion qui lie la réforme de la conduite individuelle ou de la vie publique à la réforme de l’être intérieur. A partir de ce moment donc, la question se pose pour nous de savoir quel a été, dans le cours de la pensée européenne, l’usage effectif de ce pouvoir ; ce qui revient à esquisser une monographie de l’homo sapiens

suivre le progrès de la théorie des nombres, depuis l’époque des mathématiciens antiques (grecs) , puis à partir de sa « reprise » en Europe avec Fermat, Mersenne, etc…, cela consiste donc à opérer un travail de décantation et de discrimination (du vrai et du faux).

C’est un travail pratique de recherche de la vérité qui doit, selon Brunschvicg (et Descartes ou Malebranche) nous rénover moralement et religieusement.

car c’est intervenir directement sur le (très ancien) champ de bataille entre esprit régressif (hétéronomie) et esprit « moderne » (c’est à contre coeur que j’emploie ce mot, car je rejette la « modernité », qui devrait plutôt s’appeler « post-moderne ») et autonomie.

 

 

 

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