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la paléogénétique révèle une humanité éclatée

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/09/13/la-paleogenetique-revele-une-humanite-eclatee_1760005_1650684.html

« La conception – politiquement essentielle – d’une humanité unique est en train de voler en éclats. Plus préoccupant, certaines des séquences génétiques héritées du métissage avec des hommes archaïques concernent des gènes gouvernant l’organisation cérébrale et impliqués dans le fonctionnement des synapses neuronales. Le débat sur la notion de race, sur l’égalité entre elles, que l’on espérait à jamais enterré, pourrait resurgir. Les humanistes devront être vigilants et veiller à ce que ces troublantes découvertes paléogénétiques ne deviennent pas des arguments aux mains des idéologues racistes. »

une découverte réellement scientifique ne doit jamais faire peur, car si elle est correctement comprise elle ne peut jamais entraîner au MAL.

En l’occurrence qu’y a t’il de nouveau qui soit révélé ici ?

au niveau philosophique et religieux, et donc politique si la politique est mise à sa juste place et libérée de toute idéologie (que celle ci soit « raciste » ou « antiraciste ») rien de nouveau !

l’humanité n’est pas UNE , ni unifiée, parce qu’elle DOIT être UNE: si elle était UNE, ou unifiée, la tâche de la philosophie et de la religion (= ce qui relie, donc l’Islam n’est certainement pas une religion) serait terminée.

Comme le dit Badiou après Platon, au début de « L’être et l’évènement » :

L’UN n’est pas

L’un doit être, donc il n’est pas.

Ce qui est, ce sont les étants…

et , comme le dit très bien Heidegger, l’Etre n’est pas un (super) étant, donc l’Etre n’est pas…

Mais celui qui va le plus loin dans la tâche salutaire d’éradication des erreurs qui mènent au MAL, c’est Brunschvicg :

« les trois propositions génératrices du scepticisme, de l’immoralisme, et de l’athéisme, sont : le vrai est, le bien est, Dieu est »

donc les découvertes déjà faites ou à venir ne doivent pas être source d’angoisse : évidemment que l’humanité n’est pas une, donc multiple…

d’ailleurs est ce mieux qu’elle se scinde en une multitude de « communautés religieuses » plutôt qu’en différentes races ?

Hitler disait :

« je sais très bien qu’il n’y a pas de races pures, mais je VEUX qu’il y en ait une , la race aryenne »

seulement ceci est la volonté du MAL : « séparer » une race qui devra dominer car « supérieure »..

est ce mieux de dire, comme le Coran aux versets 110, 111 et 112 de la sourate 3 :

http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/3.html

« 110.Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah. Si les gens du Livre croyaient, ce serait meilleur pour eux, il y en a qui ont la foi, mais la plupart d’entre eux sont des pervers.

111.ils ne sauront jamais vous causer de grand mal, seulement une nuisance (par la langue); et s’ils vous combattent, ils vous tourneront le dos, et ils n’auront alors point de secours.

112. Où qu’ils se trouvent, ils sont frappés d’avilissement, à moins d’un secours providentiel d’Allah ou d’un pacte conclu avec les hommes,. Ils ont encouru la colère d’Allah, et les voilà frappés de malheur, pour n’avoir pas cru aux signes d’Allah, et assassiné injustement les prophètes, et aussi pour avoir désobéi et transgressé. »

dire qu’il y a une « meilleure communauté », c’est aussi dangereux que de dire qu’il y a une race supérieure…

Nous devons dire comme Hitler, mais de façon tournée vers le BIEN, en sens inverse donc :

Nous savons très bien que l’humanité n’est pas UNE, mais nous VOULONS qu’elle soit UNE, et nous voulons régler notre action en vue de la réalisation de ce vouloir.

Seulement ici attention ! Ce n’est pas en mélangeant les différents peuples, « races », ethnies et en détruisant ainsi les équilibres et les « cultures » que l’on ira dans le sens de l’unité humaine !

Bien au contraire !

Le meilleur moyen d’obtenir une humanité « éclatée », c’est de poursuivre voire amplifier les flux migratoires chaotiques actuels (qui visent le pur profit économique d’une minorité )

Gabriel Marcel : la grâce

Je retranscris ici, avec pas mal de modifications, une note que j’avais écrite il y a 6 ans après lecture d’ un vieux volume datant de 1924, regroupant deux pièces de théâtre de Gabriel Marcel:

« La grâce » (1911) et « Le palais de sable« .

Depuis, pas suite de quelques vicissitudes, mes livres ont été éparpillés aux quatre coins de la France, et je ne retrouve plus le livre…dommage car une relecture s’imposerait..

voir ce document pour un résumé et un commentaire de « La grâce » (réalisée avant la conversion religieuse de Gabriel Marcel) :

http://chemins.eklesia.fr/artf/gmarcel.pdf

(page 2 à 9)

commentaire qui se fonde sur un tout autre point de vue que celui développé ici

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Gabriel Marcel est un philosophe chrétien, se rattachant par certains traits à l’existentialisme dans son exigence de concret (il a d’ailleurs écrit une « Philosophie du concret »). On pourrait donc penser que la lecture que je viens de faire de la première de ces pièces (que personne ne doit plus connaitre aujourd’hui) n’aurait aucune incidence en termes de pensée et de philosophie… juste une ou deux heures agréables. Et pourtant c’est le contraire qui est vrai : il y a de ces oeuvres qui portent la réflexion à une sorte d’incandescence méditative, et c’est ce qui vient de se produire. Et cela ne peut sans doute se produire qu’entre deux êtres, ou deux entités, que tout sépare : la distance crée l’intensité « énergétique » , le magnétisme de l’ essor spirituel. C’est d’ailleurs un enseignement pour l’avenir : ne pas se complaire à ce qui nous semble être « de notre famille de pensée ». Chercher plutôt ce qui nous choque, ce qui nous scandalise, ce qui nous semble incompréhensible.

De la même manière que les physiciens cherchent à faire jaillir de nouvelles avancées de la connaissance en créant des chocs de particules dans des accélérateurs …

L’intrigue de « La grâce » donc :

le personnage principal, Françoise, 24 ans, est une de ces femmes volontaires et intelligentes comme les premières années du 20 ème siècle en produirent, sans doute fallait il ces qualités dignes d’un roc (de dureté donc !) pour affronter la terrible guerre qui arrivait.

Elle a été l’élève du professeur Du Ryer (40 ans), spécialiste en psychologie clinique et expérimentale, et passionné par les problèmes du mysticisme et de la religion qu’il cherche à expliquer par des pathologies mentales; elle était secrètement amoureuse de lui.

Françoise est une des ces femmes (et c’est pareil pour les hommes de cette époque) pour lesquelles le christianisme des générations précédentes ne signifie plus rien.

Mais elle ne peut non plus partager la « foi » de Du Ryer pour la science.

La pièce décrit donc sa chute dans le nihilisme et le désespoir.

Après du Ryer (auquel elle n’a pas avoué son amour, qui n’est pour elle qu’une « force naturelle », celle du désir sexuel, car il est marié) elle tombe profondément amoureuse de Gérard, 28 ans, et le début de la pièce se situe juste avant leur mariage.

Mais Gérard bouleversé vient lui apprendre qu’il est tuberculeux (à cette époque cela ne se soignait pas) et qu’ils ne peuvent donc pas se marier; mais elle le convainc de ne rien dire à ses parents, et de laisser les choses se dérouler comme prévu.

Ici se situe leur première incompréhension, lourde de conséquences pour la suite : Gérard croit que c’est pas un « amour purement spirituel  » qu’elle se sacrifie, pour ne pas le laisser seul, il croit aussi qu’elle est dégoûtée de l’amour physique « comme toutes les femmes comme il faut » (alors que lui a eu des tentations « impures » , notamment pour un jeune garçon, ce qu’il lui avouera après leur mariage). Mais la vérité est que Françoise  meurt d’envie de « lui appartenir », pas comme à un mari, mais comme à un amant, et comme nous sommes en 1911 dans la bourgeoisie, elle ne peut coucher avec lui que s’ils se marient.

Son passé de scientifique a donné à Françoise une exigence de sincérité, de vérité, qui passent pour elle par une démystification des tendances mystiques et christiques de Gérard, qui iront en augmentant au fur et à mesure de l’intrigue.

Ils se marient donc, louent un chalet à la montagne pour les soins de Gérard, retrouvent dans les Alpes le couple des De Ryer (le professeur étant légèrement malade vient se soigner aussi). Mais Françoise n’a pas trouvé le bonheur escompté : son mari est si faible qu’il est incapable d’un rapport sexuel « complet ». Elle devient de plus en plus dure, désenchantée, hargneuse envers ce qu’elle appelle ses balivernes mystico-religieuses, qu’elle attribue à sa maladie. Au cours d’un après midi dans une petite bâtisse dans la montagne où elle est seule avec du Ryer, elle lui avoue toute la vérité, qu’elle l’aimait autrefois, etc…c’est alors que l’on assiste à la chute du « grand scientifique », que les aveux de Françoise font descendre de son Olympe. Il est bouleversé de n’avoir pas su voir cet amour. Je dois recopier ici qq lignes du dialogue, il est magnifique, c’est Françoise qui parle :

« Il n’y a plus en présence que deux corps périssables qui se convoitent et qui s’appellent. Mon ami, ayons du moins le courage affreux de savoir que nous ne sommes que cela. Nous ne reculerons plus, vous le savez comme moi. Avant d’entrer dans cette ombre qui nous sollicite, nous nous devons à nous mêmes de l’éclairer un moment. Je suis venue vous apporter une dernière lumière, avez vous bien regardé?

– oui

-il n’y a donc plus qu’à l’éteindre… »

(il s’agit là à mon avis d’un sommet dans toute la littérature, s’agissant de dépeindre le désespoir)

Au cours d’une scène précédente face à son mari, où elle réussit à lui avouer la vraie nature de son amour et des motifs qui l’ont poussée à l’épouser quand même, malgrès sa maladie, elle lui dit que:

« si j’ai cédé (à la sensualité) c’est qu’aux yeux de ma raison rien n’est plus fort que le désir, et plus légitime; c’est que je n’ai pas voulu m’agenouiller devant les vieilles idoles. Je me suis justifiée moi même »

Enfin, au cours du dernier acte, qui se passe à Paris, Gérard semble aller beaucoup mieux; sa maladie semble guérie, les aveux de sa femme lui ont fait retrouver l’appétit sexuel, et il lui demande de faire l’amour. Mais alors, épouvantée, elle lui confesse qu’elle a pris un amant,  le premier venu, par désespoir, par nihilisme :

« je suis peut être tombée bien bas, mais pas au point de me partager« …

et tout se termine avec la mort de Gérard, en prières et demandant à Dieu d’avoir pitié d’eux tous :

« Mon Dieu, nous ne pouvons pas mourir car nous ne sommes pas..Vous Seul êtes! »

Voilà, bien sûr ce rapide résumé ne peut donner idée de l’extraoridinaire beauté de la pièce, de la langue de G Marcel, de l’intensité et de la virtuosité de la pensée. Pièce étonnamment moderne et à la fois étonnamment surannée ! évidemment, aujourd’hui, les personnages ne se poseraient pas tous ces problèmes concernant le sexe.

Mais est ce bien là le fond de l’affaire ?
Lors de la séance à la société de philosophie en 1928, au cours de l’exposé de Brunschvicg sur « La querelle de l’athéisme », on avait assisté à une vive opposition entre Gabriel Marcel et Etienne Gilson, défendant le « Dieu d’Abraham », et Brunschvicg  leur opposant « dieu des philosophes et des savants » : la conscience intellectuelle, la source de la vérité (scientifique et philosophique, c’est à dire réflexive).
Ces débats sont là en germe dans la pièce écrite 17 ans avant. Comme de bien entendu , Gabriel Marcel donne le beau rôle à la Foi (représentée par Gérard et Olivier, le frère de Françoise), et il place la « raison scientifique » chez Du Ryer qui est un personnage falot, plein de fatuité (ce n’est même pas lui sans doute que Françoise choisit finalement pour « fauter »). Mais le personnage de Françoise est d’une extraordinaire complexité. Elle ne peut se « convertir » à la mystique de Gérard, qui pourtant l’aime profondément (et qu’elle aime profondément) et qui voudrait la « sauver ». Mais elle ne peut non plus se convertir à la « foi en la science » de Du Ryer. Elle est donc seule face à l’abîme du désir « nu », et tombe tragiquement dans le désespoir nihiliste. On sent que Marcel était plein de tendresse et d’amour pour ce personnage féminin, bien plus que pour celui de Gérard. Disons le clairement : philosophiquement, le thème de la pièce est le  choix entre ce que Brunschvicg appelle « la vraie et la fausse conversion » , ou plutôt le non-choix, car   la tragédie de Françoise est de ne pas pouvoir faire ce choix, pour une raison bien simple : son initiateur Du Ryer n’était pas philosophe mais un « scientifique expérimental » , travaillant dans le secteur de la psychologie, et non pas dans celui des sciences relevant de la physique mathématiques, seules aptes à mener l’esprit vers la quête philosophique.

Pour Gabriel Marcel, l’option de Brunschvicg est « fausse », ne menant qu’à l’absurde. Telle est la raison profonde pour laquelle il la place sous l’égide d’un homme aussi médiocre que Du Ryer.

Le choix de la Raison plutôt que de la Foi, le choix brunschvicgien donc, ne donne aucune indication sur la conduite à tenir face au désir : désir sexuel pur et amour ne sont peut être pas la même chose, mais ils sont équivalents face au plan purement spirituel de l’idée et de la mathesis, en tant qu’appartenant au plan « vital » et soumis tous les deux donc à ses fantasmagories et à ses contingences.

« L’esprit n’a pas à descendre au dessous de soi » pour se préoccuper du plan de la matière ou de la vie et des sentiments, fût ce pour « expliquer » la vie ou la conscience. Il se trahirait ainsi. C’est seulement en ne consentant pas à se trahir lui même qu’il trouvera l’amour véritable et universel, qui unit tous les hommes.

Lorsque Françoise parle de cette « lumière » qu’ elle est sur le point d’éteindre dans la nuit des corps qui s’enlacent :

« Avant d’entrer dans cette ombre qui nous sollicite, nous nous devons à nous mêmes de l’éclairer un moment. Je suis venue vous apporter une dernière lumière, avez vous bien regardé?

– oui

-il n’y a donc plus qu’à l’éteindre… »

elle se méprend (parce qu’il s’agit d’une âme non convertie) sur la nature de cette lumière : il est impossible de l’éteindre, puisqu’elle est Dieu en nous, centre lumineux de notre conscience.

« Nous pouvons douter de notre rapport à l’esprit, mais pas de l’esprit lui même »

la nuit des corps et du sexe peut affaiblir notre lien avec la lumière et notre union intime avec dieu (comme le dit si bien Malebranche), mais pas « éteindre la Lumière elle même ».

 ce qui est intéressant dans « La grâce » est que le chrétien Gabriel Marcel ose s’affronter à l’abîme du doute, du désespoir (dont Hegel avait aussi traité) et du nihilisme, dans lequel toute l’Europe d’après 1918 allait plonger.

Et c’est donc aussi de nous qu’il parle dans cette pièce admirable….

Paul Nizan : démission des philosophes

le texte où Nizan s’en prend aux « maîtres » idéalistes (en premier lieu Brunschvicg) est ici, page 123 à 132 du document pdf (129 à 138 dans la pagination de l’article) :

http://atheles.org/lyber_pdf/lyber_379.pdf

ce texte est une partie du fameux livre polémique  « Les chiens de garde » (1932)….

Nizan s’en prend à la philosophie de son temps, qui est l’idéalisme, et qui a régné en France sur plus d’un siècle, jusqu’en 1944 année de la disparition de Brunschvicg.

Il accuse les philosophes de ce temps de démission :

« nous vivons dans un temps où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart entre ce qu’énonce la philosophie et ce qui arrive aux hommes, en dépit de sa promesse »

et, bien sûr, c’est Brunschvicg qui est le principal visé, en tant que maître incontesté de cette philosophie :

« quand on entend Mr Brunschvicg qui est le plus grand homme de cette pensée là faire un cours sur la technique du passage à l’absolu, on ne voit pas comment ces bacilles de l’esprit, ces produits tératologiques de la méditation pourraient expliquer aux hommes vulgaires ….. la tuberculose de leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travail , leur chômage, les vacances, les guerres, les grèves et..etc.. »  (page 130)

(je n’ai jamais suivi de cours de Brunschvicg, et pour cause, mais je ne crois pas qu’il ait jamais enseigné de technique du passage à l’absolu ! )

Nizan , pour la clarté de l’exposition , distingue deux philosophies, et c’est à la seconde seulement qu’il fait procès :

« il y a deux espèces de philosophie … ou mieux deux genres de méditation…la première concerne la connaissance du monde, la seconde l’existence des hommes »

la première philosophie « prolonge et commente la science », la seconde « traite les problèmes qui intéressent la position des hommes par rapport au monde et à eux mêmes« .

Or il est évident que la philosophie de Brunschvicg, ou la philosophie selon Brunschvicg, qui peut se définir comme la « conscience intellectuelle de l’activité scientifique« , ou pensée réflexive prenant conscience de l’évolution des sciences et de son impact sur la conscience morale et religieuse, est à la fois l’une et l’autre : réflexion sur la science (la connaissance du monde) et sur l’existence humaine.

C’est bien ce que lui reproche Nizan, (accusation dont il exempte Perrin, Rabaud, Meyerson et Einstein, qui certes prennent position sur les problèmes de l’humanité, mais à titre privé, pas au titre de savants ou de philosophes).

page 135 :

« mais il existe chez les philosophes du second genre une certaine idée de leur mission propre, ..attachée à l’accomplissement de leur spécialité.

Mr Brunschvicg  se rend compte qu’il a, comme philosophe et non plus comme personne privée, une certaine obligation à remplir et certains modèles à imiter »

et là (merci Nizan) il livre une citation de Brunschvicg qui pour lui est certainement ridicule, mais que moi je trouve absolument extraordinaire :

« les héros de la vie spirituelle sont ceux qui , sans se référer à des modèles périmés, à des précédents devenus anachroniques, ont lancé en avant d’eux mêmes des lignes d’intelligence et de vérité destinées à créer un univers moral de la façon dont elles ont créé l’univers matériel de la gravitation et de l’électricité »

il faut ici, pour comprendre, garder à l’esprit la conception de Brunschvicg selon laquelle l’univers réel, c’est celui des équations de la physique, et non pas un « prétendu » espace réel qui existerait « à l’extérieur de notre pensée ».

La science doit être dépassée dans une activité spirituelle-religieuse, fondée sur elle, qui crée un univers moral.

Il y a ici, selon moi, dialogue de sourds et incompréhension totale , de la part de Nizan, de ce qu’est la pensée de Brunschvicg et de ce qu’est la vraie philosophie, appelée par lui « christianisme des philosophes ».

Celle ci n’ordonne ni ne commande rien (nous ne sommes pas dans l’univers islamique !) , mais elle dit simplement que celui qui veut progresser moralement et religieusement et « s’acheminer vers le centre lumineux de la conscience qui est Dieu » , selon le « mouvement que nous avons toujours pour aller plus loin », doit dépasser le moi vital et ses exigences pour le remplacer par le moi spirituel (cf premier chapitre de « Raison et religion »)

l’alternative, qui définit la nécessité d’une orientation, est absolue : ou le moi vital, ou le moi spirituel !

« Il faut  qu’il croisse et que je diminue »

aussi la convocation par Nizan des dernières lignes du « Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale » marque t’elle encore une fois cette incompréhension :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/progres_conscience_t2/progres_conscience_t2.html

(je cite la fin de manière un peu plus étendue pour faire mieux comprendre les lignes citées par Nizan)

« Il faudra donc conclure qu’en dehors de la présence de l’unité dans une conscience qui sait n’être radicalement extérieure à rien, il n’y a rien, non point parce qu’on a été incapable de rien trouver, mais parce qu’il n’y avait rien en effet à chercher. Conclusion négative, pour une théologie de la participation à l’être selon l’absolu imaginaire de la synthèse ; conclusion positive pour une philosophie de la participation à l’unselon le progrès continu de l’analyse, et qui ne prendrait une apparence d’incomplétude et de déception que si l’on n’était point parvenu à faire un strict départ entre les exigences de l’une et de l’autre conception. Lorsqu’on rêve encore d’une philosophie transcendante à la vérité de la science, d’une religion transcendante à la vérité de la philosophie, il est inévitable que l’on continue à laisser s’interférer le langage de ces deux conceptions ; et c’est à ce phénomène d’interférence qu’est dû l’aspect dramatique et tourmenté des vingt-cinq siècles dont nous avons essayé d’esquisser l’évolution intérieure. Au moment où était attendue la plus grande lumière, à la cime de la spiritualité, le maximum d’obscurité s’est produit : nuit mystique, inconscient, néant. Ainsi, comme dit quelque part Amiel, « les contradictions se vengent. » (B. III, 397.) Ou l’homo sapiens aura l’énergie de les surmonter, ou il subira le châtiment de sa faiblesse. Pour faire face aux dangers qui, aujourd’hui autant que jamais, le menacent dans son avenir terrestre, pour ne pas avoir à recommencer son histoire, il faut donc qu’il en médite sérieusement le cours, qu’il sache transporter dans le domaine de la vie morale et de la vie religieuse cette sensibilité au vrai, défiante et délicate, qui s’est développée en lui par le progrès de la science, et qui est le résultat le plus précieux et le plus rare de la civilisation occidentale. La vérité délivre, à la condition seulement qu’elle soit véritable. »

je ne vois pas comment on peut voir là , comme le fait Nizan, le « bréviaire philosophique de l’univers où tout est bien qui finit bien  » !!

la voie tracée par Brunschvicg est d’une difficulté extrême, qui dépasse absolument toutes les possibilités de l’homme ordinaire.

Si j’osais, je dirais qu’elle est réservée au Surhomme véritable, qui n’est pas forcément celui de Nietzsche (mais je n’oserai pas, car ce serait faire injure à la pensée de Brunschvicg).

En fait cette voie est ouverte à tout être humain (même moi !) mais elle exige un travail d’ascèse intellectuelle  et pratique tellement ardu que bien peu la suivront.

Et c’est pourquoi , probablement, « tout ne sera pas bien qui finit bien« , car l’homo sapiens devra subir les « châtiments de sa faiblesse« , comme nous le craignons de plus en plus aujourd’hui si nous ouvrons les journaux !