Archives du mot-clé relativité

la relativité catégorique

http://www.slac.stanford.edu/econf/C0602061/pdf/21.pdf

 
Philosophiquement parlant on a ici la réalisation (plus de 70 ans plus tard) d’un mouvement de l’intelligence que Brunschvicg signalait (pour s’en féliciter) dans le « Progrès de la conscience »:
 
« un trait fondamental commun aux deux théories de la relativité c’est qu’elles sont indivisiblement physiques et mathématiques, sans qu’on puisse indiquer à partir de quel point la raison et l’expérience auraient commencé de collaborer ni à quel moment leur collaboration pourrait cesser. La géométrie est physique autant que la physique est géométrie. Autrement dit le caractère de la science einsteinienne est de ne pas comporter une phase de représentation imaginative qui précèderait la phase proprement mathématique…il n’y a pas de contenant défini en dehors du contenu : l’espace et le temps doivent être gagnés à la sueur de notre front. La continuité du labeur humain les tisse inséparablement l’un de l’autre »
 
et plus loin :
 
« le projet cartésien de mathématique universelle (= « mathesis universalis ») signifiait déjà ce que Pythagore et Platon semblent avoir pressenti , que l’intelligence des choses commence et finit avec leur mesure; mais l’interprétation exacte du primat de la mesure, et par suite de la vérité même du savoir scientifique, demeuraient voilées tant que l’opération de mesure se dissociait en deux moments supposés séparés : d’une part la forme du raisonnement mathématique, idéalité abstraite du mesurant, et d’autre part la matière de l’expérience physique , réalité concrète du mesuré.En fait Descartes avait échoué dans le passage du premier moment au second…. mais Newton n’était pas moins en échec; car après avoir lié la mécanique rationnelle à l’absolu divin de l’espace et du temps, il se reconnaissait impuissant à établir de façon positive la cause de la gravitation….

c’est par l’élaboration d’un type différent d’architecture que les théories de la relativité ont remédié aux défauts symétriques et contraires de l’édifice cartésien et du newtonien..par là peut on dire la théorie de la relativité confère à la physique mathématique l’unité du style classique »

Ceci rejoint l’analyse philosophique préliminaire du papier référencé en début d’article, qui met en opposition Descartes et Newton par rapport à la conception galiléenne de l’espace comme relatif aux « corps massifs ».

Mathématiquement, et grâce à la théorie des catégories (que Brunschvicg ne pouvait pas connaitre puisqu’elle est apparue en 1945), et spécifiquement à celle des groupoïdes, une notion plus primitive que celle d’espace temps est formée : le groupoïde des corps massifs ayant comme morphismes les vitesses relatives entre ces corps.

Un groupoïde est une catégorie où tous les morphismes sont des isomorphismes, c’est à dire possèdent un inverse.

Un groupe est juste un groupoïde à un seul objet : cet objet est le groupe, les morphismes (reliant cet unique objet à lui même) sont les éléments du groupe, l’élément neutre étant le morphisme identité.

http://ncatlab.org/nlab/show/groupoid

Dans ce papier il s’agit d’un « pair groupoid« , c’est à dire d’une groupoîde où tous les objets sont nuls (à la fois initiaux et terminaux).

http://ncatlab.org/nlab/show/codiscrete+groupoid

The codiscrete groupoid on a set is the groupoid whose objects are the elements of the set and which has a unique morphism for every ordered pair of objects.

This is also called the pair groupoid of X and sometimes the chaotic groupoid on X.

la théorie est développée plus loin ici :

http://www.space-lab.ru/files/pages/PIRT_VII-XII/pages/text/PIRT_X/Oziewicz_1.pdf

http://arxiv.org/find/math/1/au:+Oziewicz_Z/0/1/0/all/0/1

les exigences d’une philosophie de l’esprit

Les premières pages de « De la vraie et de la fausse conversion » :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/vraie_et_fausse_conversion/vraie_et_fausse_conversion.html

partent du constat  d’une aporie:

« En tête du premier numéro de la Revue de Métaphysique et de Morale, Darlu, à qui Xavier Léon avait naturellement confié la charge de définir l’inspiration de son entreprise, écrivait : « Le sol de la société paraît près de se soulever sous l’action de forces aveugles et terribles. Au milieu de ces inquiétudes, entre le positivisme courant qui s’arrête aux faits, et le mysticisme qui conduit aux superstitions, la lumière de la raison est aussi faible, aussi vacillante que jamais . »

Ces lignes avaient suscité la raillerie que l’on pouvait prévoir : comment, pour le redressement moral dont notre troisième République avait alors besoin, et qu’aussi bien, aujourd’hui même, ses dirigeants la condamnent à espérer encore, faire fond sur une lumière dont on commençait par avouer qu’il « est probablement impossible qu’elle éclaire le travail de la foule humaine » ? »

assez semblable à celle du platonisme, à laquelle s’est heurté Brunschvicg le platonicien :

http://mathesis.blogg.org/page-la_triple_impasse_du_platonisme-763.html

cette aporie peut sans doute se résoudre, comme le fait Brunschvicg, en distinguant entre une humanité en extension et en compréhension, et donc entre une philosophie de la vie, attentive à l’animal humain, et une philosophie de l’esprit :

« Les choses, à les prendre du dehors, ne paraissent guère avoir changé depuis 1893. Le sol de l’Europe s’est, en effet, soulevé dans une convulsion qui a porté le drame au paroxysme, du point de vue d’une philosophie de la vie, attentive à l’avenir de l’animal humain. Mais, pour une philosophie de l’esprit, qui considère avant tout l’être spécifiquement raisonnable, le centre de l’intérêt est ailleurs, non dans le spectacle d’une humanité envisagée en extension, mais dans l’idée de l’homme en compréhension. »

mais cette façon qu’a Brunschvicg de se « débarrasser » des problèmes de la matière et de la vie, et de ne considérer comme important que « notre rapport à l’Esprit », qui peut légitimement être source d’inquiétude , a scandalisé beaucoup de penseurs divers, aussi divers qu’un Nizan ou qu’un Robberechts :

http://www.blogg.org/blog-69347-billet-ludovic_robberechts___essai_sur_la_philosophie_reflexive-812916.html

quoiqu’il en soit, notre parti à nous est pris, et si l’on veut travailler à la compréhension de ce qui nous paraît être l’un des plus grands sages de l’époque , il convient de prendre les lignes qui suivent au sérieux :

« Or, entre le spectacle et l’idée, jamais le contraste n’a été plus frappant qu’à l’heure actuelle. La complexité du savoir, croissant en même temps que la restriction du loisir pour la réflexion, fait qu’un Cantor ou un Einstein a sans doute moins de contemporains que jadis un Descartes ou un Newton. La méditation du petit nombre des contemporains est aussi douloureuse, dans le domaine de la spéculation pure, qu’a pu l’être, durant le cours de la théologie chrétienne, la méditation du petit nombre des élus. Il est nécessaire, pourtant, de nous rendre compte que le problème de la pitié sur la foule ne doit pas être abordé en premier lieu pour se résoudre dans un mouvement d’impatience qu’on dirait généreux. Avant de savoir quelle chance la raison a d’assurer le succès de ses propres normes, d’instaurer l’unité du monde humain dans la paix et dans la liberté, il convient de travailler à mettre en évidence le jugement droit et ferme qu’elle est en état de porter sur le caractère de son progrès intrinsèque.

À cet égard, il est à présumer que les trente premières années du XXe siècle forment une époque favorable, puisqu’une rupture s’y est produite, qui promet d’être décisive, avec cet amalgame de scolastique et de romantisme qui, naguère encore, se décorait du nom de philosophie de la nature ou de philosophie de l’histoire. D’une part, des théories telles que celle des ensembles ou celles de la relativité ont dégagé, ce qu’aucune spéculation a priori n’avait le moyen de prévoir, le processus défini d’intelligence auquel répondent, dans la réalité des choses, les notions fondamentales de nombre, d’espace ou de temps. D’autre part, les travaux des ethnographes, en heureuse concordance avec les découvertes de la préhistoire et de la protohistoire, reliés aux recherches de la pathologie mentale et de la psychologie infantile, nous ont amenés à résoudre dans son exacte perspective la tradition du sens commun. »

pour le problème du rapport à l’Esprit de l’humanité « en compréhension », l’examen des avancées de la science (et ceci veut dire, pour ceux qui se débarrassent des problèmes de la vie : mathématique et physique) tient la place principale.

Or « après » la relativité, vient la physique quantique, que Brunschvicg a pu connaître, puisqu’il a vécu 19 ans après 1925.

Mais en mathématiques, « après » la théorie des ensembles vient celle des catégories, qui naît en 1945, après sa mort donc.

Et nous avons donc là une tâche (immense) toute tracée et définie, d’autant plus que les connexions de la nouvelle théorie des topoi avec la physique sont évidentes, depuis une dizaine d’années en tout cas.