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Alhazen et le théorème de Wilson

Ce lien :

http://www.math.jussieu.fr/~beck/pdf/cplt-wilson.pdf

donne trois démonstrations élégantes du théorème de Wilson, qui donne un critère (difficile à appliquer en pratique) de la primalité d’un nombre :

Un nombre N est premier si et seulement si :

(N-1) ! + 1 ≡ 0 modulo N

ce qui veut dire : la factorielle de N – 1 à laquelle on additionne 1 est un nombre divisible par N

(la factorielle de N étant le produit des nombres de 1 à N).

Ce lien attribue la découverte de ce théorème au mathématicien arabe Ibn Al -Haytham appelé aussi Alhazen.

Seulement la question se pose : l’a t’il seulement conjecturé, ou démontré ?

Selon le lien Wikipedia, il l’a énoncé, mais pas démontré :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_Wilson

« Le premier texte à faire référence à ce résultat est énoncé par le mathématicien arabe Alhazen (965 – 1039) »

Je me risquerai à dire que si l’on avait retrouvé une démonstration de lui, ça se saurait !

Or cette question est importante car elle débouche sur un problème philosophique et donc (selon moi) RELIGIEUX de la plus haute importance.

Ce problème philosophique est lié à la citation de Brunschvicg que j’ai déjà rappelée :

« les trois propositions génératrices du scepticisme, de l’immoralisme et de l’athéisme sont : le vrai est, le bien est, Dieu est »

ce qu’il faut bien comprendre c’est que les trois vont toujours ENSEMBLE : scpeticisme, immoralisme et athéisme vont par trois !

Si l’on décrète que le VRAI EST (indépendamment ou « avant » que l’homme ne le découvre vrai) alors on arrive forcément à dire que le bien est et que Dieu est, et l’on aboutit nécessairement au scepticisme, à l’immoralisme et à l’athéisme.

La démonstration de ce point est donnée par Brunschvicg dans cet article qui date de la fin du 19 ème siècle :

http://www.scribd.com/doc/2966162/Brunschvicg-spiritualisme-et-sens-commun

et j’en avais donné un commentaire ici :

http://www.blogg.org/blog-76490-billet-atheisme__spiritualisme__philosophie_et_sens_commun_selon_brunschvicg-955910.html

http://www.blogg.org/blog-76490-billet-l__atheisme_nous_va_si_bien___l_initiation_selon_brunschvicg-958406.html

Quel rapport avec le théorème de Wilson ?

si le VRAI EST, cela veut dire que le théorème de Wilson est VRAI avant que l’humanité (ou éventuellement tout autre être intelligent capable de faire des mathématiques, mais nous ne connaissons pas actuellement de tels êtres) en ait donné une démonstration.

et donc si le premier homme connu à avoir énoncé cette vérité est Alhazen, alors il est le premier à avoir « connu » ce théorème (dans l’Esprit de Dieu).

Si l’on admet comme moi l’argumentation de Brunschvicg, alors on doit conclure que dire cela conduit à l’athéisme (qui fait rage actuellement avec les manifestations et les attentats meurtriers visant à protester contre un film dit « islamophobe »).

S’abstenir de dire que le VRAI EST consiste à dire que le théorème n’existe pas AVANT qu’un homme en ait donné la démonstration , et cet homme est, selon les sources, Wilson ou Lagrange (ou Leibniz)…

Un théorème véritable VA TOUJOURS avec une démonstration.

C’est (peut être) là le sens de l’affirmation de Spinoza :

« les démonstrations sont les yeux de l’âme »

Seulement ici se présente une objection apparente :

prenons n’importe quelle égalité numérique consistant à faire la somme de deux nombres, par exemple :

6 + 5 = 11

23 + 6 = 29

etc…

Ces égalités dérivent nécessairement des axiomes de Peano, elles sont donc « vraies » dès que les axiomes de Peano sont donnés.

Or ces axiomes datent du 19 ème siècle, donc avant ces axiomes il n’était pas vrai que 2 + 2 = 4 ??

y a comme un défaut !

la réponse est que les axiomes sont une « reprise logique » de la connaissance des vérités mathématiques qui préexistaient !

la mathématique va « du bas vers le haut », elle est de l’ordre de l’analyse

la logique va du « haut vers le bas », des principes, ou plutôt axiomes, vers leurs conséquences : elle est seconde, de l’ordre de la synthèse.

Nous devons nous en tenir à nos conclusions philosophiques, et DIRE, sous peine d’aboutir à l’athéisme et à ses désastres, que :

1 + 1 = 2 n’est pas vrai tant qu’on ne l’a pas démontré !

pour mémoire, c’est démontré au chapitre 112 des Principia mathematica , tome 2 , portant sur l’addition des cardinaux :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Principia_Mathematica

http://quod.lib.umich.edu/cgi/t/text/text-idx?c=umhistmath;idno=AAT3201.0002.001

mais là encore il s’agit d’un travail de logique !

à vrai dire , pour les nombres de taille normale, « démontrer » ce genre de vérités est immédiat : il suffit de faire le calcul …

mais allez donc faire le calcul de nombres très grands , de puissances énormes que l’on ne sait pas manipuler, par exemple :

2236956 ^ 8457406 + 49572943 ^ 964823149673

(le signe ^ veut dire puissance)

résultat ?

pas de résultat, personne ne sait faire le calcul, cela dépasse la portée de nos ordinateurs !

on doit en conclure que ce nombre existe mais n’a pas de valeur (vraie)

sans parler des très grands nombres, formalisés avec d’autres symboles que ^, par exemple les flèches de Knuth :

http://en.wikipedia.org/wiki/Knuth’s_up-arrow_notation

ou les chaines de Conway :

http://en.wikipedia.org/wiki/Conway_chained_arrow_notation

ou les hyperopérations :

http://en.wikipedia.org/wiki/Hyper_operator

allez donc calculer :

525 → 1625 → 986 = N

ce nombre a un sens, il peut entrer dans des formules, mais tant qu’on n’a pas calculé sa valeur il n’en a pas !

ou en tout cas pas d’autre que son expression avec les chaînes de Conway

Ce qui veut dire strictement ceci :

on ne peut pas poser une égalité :

N = ….

avec au second membre un nombre sous forme décimale (ou autre, ce n’est pas le problème)

ou plutôt : si l’on dit qu’il en a une, on est athée !

si donc l’on appartient (avec conviction) à l’une des trois religions monothéistes, qui toutes disent que Dieu EST, alors on DOIT dire que ce nombre a une valeur, connue seulement de Dieu.

Et l’on est alors athée !

mais il est évidemment parfaitement permis d’être athée !

Je voudrais juste rajouter ceci, car je me rends compte après coup combien ma « conclusion » peut paraître « folle » :

– oui les véritables athées sont ceux qui « croient en Dieu », qui croient que Dieu est un (super)-étant, sur le modèles des « étants » du monde (car quels autres ?) : cela est maintenant pour moi une évidence

-mais ce qui semblera inadmissible est la partie sur les mathématiques … Or, que l’on réfléchisse à ceci :

La valeur , ou l’expression décimale (en base 10, ou en tout autre base) n’est pas ce dont on se préoccupe vraiment en mathématiques !

Nous importent beaucoup plus sa factorisation en facteurs premiers !

Je le maintiens : tant que l’ on a pas su calculer la valeur en base 10 d’un des nombres énormes dont je parle plus haut, cette valeur est « inexistante » ( avec une valeur de vérité)

Mais de toutes façons, pour écrire une telle expression, une feuille de papier égale au diamètre de notre système solaire, et même de notre galaxie, ne suffirait pas !!

Ce qui importe bien plus aux mathématiciens étaux philosophes, qui sont les prêtres modernes, c’est de démontrer une équation qui soit l’égalité du nombre énorme N écrit plus haut sous forme d’une chaîne de Conway avec une autre expression, sous forme d’une autre chaîne, ou d’une hyperoperation, ou d’une notation de Knuth…

C’est ainsi que le savoir mathématique s’édifie, jour après jour

C’est ainsi que les vérités, les théorèmes, s’entretissent sur le métier silencieux du temps

Encore une remarque : ce que je dis ici semble aller contre la conception platonicienne des mathématiques, pour le mathématicien inventeur de Wittgenstein contre le mathématicien découvreur de Platon et Alain Connes ou bien d’autres..

Mais il y a deux Platons, le Platon mythologue et autoritaire, et le Platon philosophe, de même qu’il y a deux Fichte, deux Wittgenstein, deux Rudolf Steiner.

Et l’on a pris le faux Platon pour le vrai…

Par contre il n’y a qu’un seul Brunschvicg !

la querelle de l’athéisme de Brunschvicg

C’est le nom donné (selon le conseil de Xavier Léon si j’ai bien compris) à l’exposé de Brunschvicg devant la société française de philosophie le 24 mars 1928 :

http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/vraie_et_fausse_conversion/vraie_et_fausse_conversion.html

(page 180 du document Word)

« M. Léon BRUNSCHVICG présente à la Société les considérations suivantes :

 Le drame de la conscience religieuse depuis trois siècles est défini avec précision par les termes du Mémorial du 23 novembre 1654 : entre le Dieu qui est celui d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et le Dieu qui est celui des philosophes et des savants, les essais de synthèse, les espérances de compromis, demeurent illusoires. Il est donc important de soumettre à l’examen les moments du processus spéculatif qui explique et qui, selon nous, commande la nécessité de l’alternative. »

soit Pascal, l’inventeur de la non-philosophie, utilisé contre lui même ! cela s’appelle du judo philosophique, si je ne m’abuse….mais Brunschvicg se heurte à forte contre partie (voir discussion avec Gilson). La suite va expliciter ce « Dieu des philosophes et des savants », et montrer qu’il N’EST PAS le Dieu de la métaphysique et de l’onto-théologie (qui est plutôt celui de Gilson)..

«Pour le sens commun, les choses, à la fois dans leurs éléments et dans leur ensemble, sont telles qu’elles paraissent s’offrir à la perception. Dès lors, il ne s’agira que de savoir si la matière, donnée en soi, existe par soi ; c’est-à-dire que, pour croire que l’on échappe au matérialisme, il suffira de transcender la puissance de l’homo faber dans l’imagination analogique d’un Deus fabricator cœli et terræ. « Les athées n’ont jamais répondu à cette difficulté qu’une horloge prouve un horloger. »

un « sens commun » (très différent du « bon sens » de Descartes) qui réapparait dans la tentative du savant physicien Wolfgang Smith de réhabiliter la « sagesse » de la cosmologie traditionnelle (celle d’Aristote et Saint Thomas d’Aquin) : seulement Malebranche a fait justice de cette illusion de nos sens (d’ordre vital) dès le début de la Recherche de la vérité

«Dans la tradition de la métaphysique, l’animisme était mêlé à l’artificialisme. Non seulement les hommes, les animaux, les végétaux sont des réalités vivantes, mais les rochers et les métaux, le soleil et les étoiles. L’affirmation de la transcendance revient alors à supposer que la hiérarchie des êtres qui, suivant le dynamisme vital, s’étend du monde sublunaire au monde supralunaire, se prolonge, au delà du ciel lui-même et par son intermédiaire, jusqu’à une région peuplée de réalités invisibles et surnaturelles

c’est à dire : la métaphysique (classique) est impuissante à se dégager des illusions vitalistes du sens commun, et donc de la doxa.

«Le développement de la méthode rationnelle ne ruine-t-il pas le postulat dogmatique auquel se réfèrent à la fois les thèses naturalistes et les antithèses supernaturalistes ? Il est clair que la matière, supposée en soi, se résout nécessairement en éléments multiples dont chacun, en vertu de l’extériorité qui lui est essentielle, exclut l’existence de tout autre élément : le réalisme épuise donc ses ressources dans la définition d’un point unique, d’un atome absolu….

En revanche, si l’univers, inorganique ou organique, existe en tant que tel, c’est grâce à l’activité une et indivisible d’une pensée qui, par la combinaison du calcul, et de l’expérience, a su coordonner à l’infini les mouvements des choses et les événements de la vie. La science accomplit la nature ; et, par là même, elle donne à l’homme conscience d’une aptitude à la vérité universelle où il nous paraît bien difficile de ne pas apercevoir la vocation de l’esprit

et suit le passage le plus important :

«Le fait décisif de l’histoire, ce serait donc, à nos yeux, le déplacement dans l’axe de la vie religieuse au XVIIesiècle, lorsque la physique mathématique, susceptible d’une vérification sans cesse plus scrupuleuse et plus heureuse, a remplacé une physique métaphysique qui était un tissu de dissertations abstraites et chimériques autour des croyances primitives. L’intelligence du spirituel à laquelle la discipline probe et stricte de l’analyse élève la philosophie, ne permet plus, désormais, l’imagination du surnaturel qui soutenait les dogmes formulés à partir d’un réalisme de la matière ou de la vie. L’hypothèse d’une transcendance spirituelle est manifestement contradictoire dans les termes ; le Dieu des êtres raisonnables ne saurait être, quelque part au delà de l’espace terrestre ou visible, quelque chose qui se représente par analogie avec l’artisan humain ou le père de famille. Étranger à toute forme d’extériorité, c’est dans la conscience seulement qu’il se découvre comme la racine des valeurs que toutes les consciences reconnaissent également. À ce principe de communion les propositions successivement mises au jour et démontrées par les générations doivent leur caractère intrinsèque de vérités objectives et éternelles, de même qu’il fonde en chacun de nous cette caritas humani generis, sans qui rien ne s’expliquerait des sentiments et des actes par lesquels l’individu s’arrache à l’égoïsme de la nature. Ce Dieu, il faudra donc l’appeler le Verbe, à la condition que nous sachions entendre par là le Verbum ratio (λόγος ἐνδιάθετος) dont le Verbum oratio (λόγος προφορικὸς) est la négation bien plutôt que le complément, avec tout ce qui, par l’extériorité du langage à la pensée, s’est introduit dans les cultes populaires : mythes de révélations locales et de métamorphoses miraculeuses, symboles de finalité anthropomorphique

Verbum ratio : c’est là le Dieu des philosophes…

ce principe intérieur de communion qui fonde la charité, sans avoir besoin comme chez Pascal d’un « ordre de la charité » supérieur à l’ordre de l’esprit :

« À ce principe de communion les propositions successivement mises au jour et démontrées par les générations doivent leur caractère intrinsèque de vérités objectives et éternelles, de même qu’il fonde en chacun de nous cette caritas humani generis, sans qui rien ne s’expliquerait des sentiments et des actes par lesquels l’individu s’arrache à l’égoïsme de la nature. »

et ce Dieu -Verbe est déjà délimité dans le platonisme, et provoque le même scandale, les mêmes accusations d’athéisme et de « perversion et détournement de la jeunesse vis à vis des dieux de la cité » :

« il n’est pas sans intérêt, à nos yeux, de rappeler que Platon l’avait soulignée déjà dans le passage central de la République où l’Idée du Bienest dégagée de tout contact avec l’hypostase ontologique…

…mais, s’il n’y a pas plus profonde disgrâce que de se condamner à chercher l’esprit là où il ne peut pas être, à croire comme vrai ce qui ne comporte aucune vérification positive ; la question demeure posée aux sages de savoir s’il ne vaut pas la peine d’encourir, de la part du vulgaire, le soupçon d’athéisme pour qu’ils gardent, jusqu’au bout, la fidélité au Dieu qui n’existe qu’en esprit et qu’en vérité